La Série Harmonique

1- Définition

La série harmonique est définie comme la somme infinie des inverses des entiers, on va voir que cette série diverge. On notera : Hn=k=1n1k appelé n-ième nombre harmonique.

2- Divergence de la série harmonique

2.1 Divergence de la série harmonique (via une comparaison)

On s'intéresse à la somme télescopique suivante (voir pour plus de détail l'article sur les sommes inclassables) : k=1nln(k+1)ln(k)=ln(n+1) Or on a également : k=1nln(k+1)ln(k)=k=1nln(1+1k) De plus : ln(1+1k)+1k Donc par critère d'équivalence des séries à termes positifs : Hn+ln(n+1) et donc la série harmonique diverge.

2.2 Divergence de la série harmonique (via des suites adjacentes)

Pour cette deuxième démonstration, on utilisera deux suites adjacentes suivantes (pour rappel, le théorème des suites adjacentes indique que si deux suites sont adjacentes alors elles ont la même limite) : un=k=1n1kln(n) vn=k=1n1kln(n+1) On démontre facilement que pour tout kN on a : 1k+1ln(k+1)ln(k)1k En effet, on a par décroissance de la fonction inverse, pour tout x[k,k+1] : 1k+11x1k D'où en intégrant ces inégalités entre k et k+1, le résultat énoncé.

Sens de variations des suites

La suite (un)N est décroissante, en effet, pour tout nN, on a un+1un1n+1+ln(n)ln(n+1) Or d'après ce qu'on a montré juste au dessus, ln(n)ln(n+1)1n+1 d'où : un+1un0 La suite (vn)N est croissante, en effet, pour tout nN, on a vn+1vn1n+1+ln(n+1)ln(n+2) De même, on a montré que ln(n+1)ln(n+2)1n+1 d'où : vn+1vn0

Limite de la différence

Pour tout nN, on a (équivalent du ln en 0 ): unvn=ln(1+1n)n0 Donc les deux suites sont bien adjacentes.

Divergence de la série harmonique

Les deux suites sont adjacentes et donc convergent vers une même limite notée L et pour tout nN,Lun=Hnln(n) d'où ; L+ln(n)Hn Et donc puisque ln tend vers + en +, par comparaison, (Hn)N diverge.

2.3 Divergence de la série harmonique (via le théorème de Cesàro)

Une égalité

On a l'égalité suivante : k=1nHk=(n+1)Hnn En effet : k=1nHk=k=1nj=1k1j=j=1nk=jn1j=j=1nnj+1j=(n+1)Hnn Où on a effectué une interversion de sommes sur un domaine triangulaire.

Divergence de la série harmonique

L'égalité précédente peut se réécrire comme suit : 1nk=1nHk=n+1nHn1 Supposons que (Hn)N converge et notons L sa limite, on a alors d'après le théorème de Cesàro : limn+1nk=1nHk=L Et par passage à la limite dans l'égalité précédente on aurait L=1+L, ce qui est impossible. Donc par l'absurde, (Hn)N diverge.

3 - Constante d'Euler-Mascheroni

On définit pour tout nN, la suite (un)N par un=Hnln(n).

Convergence de la suite

On démontre que la suite (un)N converge. En effet, considérons la suite des sommes télescopiques suivante : (k=1n(uk+1uk))N. On prouve que cette suite de sommes partielles converge, en effet : uk+1uk=Hk+1Hkln(1+1k)=1k+1ln(1+1k) Et d'après un développement limité du logarithme, en 0, nous obtenons : uk+1uk=1k+11k+12k2+o+(1k2) Or maintenant, il suffit de remarquer que : 1k+11k=1k2+k+1k2 et que 12k2+o+(1k2)+12k2. Les deux séries étant de signes constant on peut conclure par comparaison (équivalence) à des séries de Riemann que la suite des sommes partielles converge et comme il s'agit d'une somme télescopique, on en déduit que la suite (un)N converge également. On appelle la constante "d'Euler-Mascheroni" la limite de la suite (un)N qu'on note γ, on a donc : Hnln(n)γ=o+(1) Donc : Hn=ln(n)+γ+o+(1)

Equivalent du reste

On pose cette fois-ci, pour tout nN,vn=H(n)ln(n)γ. vn+1vn=un+1un=1n2+n+12n2+o+(1n2) On a de plus que : 1n2+n=1n211+1n=1n2+o+(1n2) D'où : vn+1vn=12n2+o+(1n2) Et donc : vn+1vn+12n2 Et comme on a équivalence entre deux termes de signes constants, on en déduit que le reste de la série de terme général vn+1vn vérifie : k=n+(vk+1vk)+12k=n+1k2 Et donc par télescopage du reste, on a que : vn+12k=n+1k2

Equivalent du reste de la série des inverses des carrés

On cherche maintenant à estimer un équivalent de k=n+1k2, pour ce faire, commençons, par établir une inégalité à l'aide d'une comparaison série intégrale. Soit k un entier plus grand que 2 et t un réel appartenant à l'intervalle [k,k+1], on a par décroissance de la fonction inverse : 1(k+1)21t21k2 Et en passant à l'intégrale dans ces inégalités (l'intégrale conservant le sens des inégalités pour des fonctions de signes positifs), on a : kk+1dt(k+1)2kk+1dtt2kk+1dtk2 1(k+1)2kk+1dtt21k2 D'où on peut conclure que : kk+1dtt21k2k1kdtt2 La dernière double-inégalité nous permet (par relation de Chasles) d'avoir cette inégalité pour nN, deux entiers : nN+1dtt2k=nN1k2n1Ndtt2 D'où part calcul des intégrales : 1N+1+1nk=nN1k21N+1n1 D'où en passant à la limite N+: 1nk=n+1k21n1 D'où on en déduit que : k=n+1k2+1n

Troisième terme du développement asymptotique de la série harmonique

On en déduit d'après ce qui précède, que : Hnln(n)γ+12n Et donc le développement asymptotique de la série harmonique : Hn=ln(n)+γ+12n+o+(1n)

4- Représentations intégrales

4.1 Représentation intégrale des nombres harmoniques

On a le résultat suivant : pour tout nN :  Hn=011tn1tdt On pose f la fonction définie sur [0,1[ par f(t)=1tn1t, on a que limt1f(t)=n (taux d'accroissement de la fonction ttn en 1). f étant continue sur [0,1[ et ayant une limite finie en 1 l'intégrale considérée a bien un sens. De plus on sait que pour tout t[0,1[, on a que : f(t)=k=0n1tk Donc par intégration : 011tn1tdt=01k=0n1tkdt 011tn1tdt=k=0n101tkdt 011tn1tdt=k=0n11k+1=Hn

4.2 Représentation intégrale de la constante d'Euler-Mascheroni

Une fonction

Soit ϕ la fonction définie sur R par ϕ(x)=11ex1x=x1+ex(1ex)x. On a 1ex0x et x1+ex=x22+o0(x2). Donc ϕ(x)012 d'où limx0ϕ(x)=12. La fonction ϕ est donc prolongeable par continuité en 0 et on ϕ représentera par la suite ce prolongement en 0.

ϕ est bornée

On a limx+ϕ(x)=1. Donc il existe un réel τ et un réel strictement positif Aτ tel que : x>Aτ,|ϕ(x)1|<τ ϕ est donc bien bornée sur R+.

Convergence de l'intégrale

Puisque ϕ est bornée sur R+, il existe M un réel, tel que pour tout x strictement positif : |ϕ(x)|<M |exϕ(x)|<Mex Et comme la fonction xex est intégrable sur R+, on en déduit que 0+exϕ(x)dx converge (converge absolument même).

Représentation intégrale du logarithme

Soit n un entier naturel plus grand que 2, on note pour α un nombre réel strictement positif : In(α)=αexenxxdx. En +, il est facile de constater que exenxx=+o(1x2). Donc In(α) existe bien. On montre de la même manière que les intégrale αexxdx et αenxxdx existent également ce qui permet d'écrire : In(α)=αexxdxαenxxdx Et en choisissant le changement de variable u=nx, on aboutit à : In(α)=αexxdxnαeuudu D'où : In(α)=αnαexxdx In(α)=αnα1xdxαnα1exxdx In(α)=ln(n)αnα1exxdx L'intégrale : 0exenxxdx existe bien, puisque exenxxdx est continue et admet une limite finie en 0 qu'on peut calculer via un développement limité. On a donc que : In(α)=ln(n)α11exxdx+nα11exxdx Le fait que 1exx01 et qu'elle soit continue sur ]0,1] justifie l'existence de l'intégrale : 011exxdx. D'où, en passant à la limite ( a0), on prouve que : ln(n)=0exenxxdx Qui est une représentation intégrale du logarithme.

Calcul de l'intégrale

D'après les paragraphes précédents on a que : Hn1ln(n)=011tn11tdt0exenxxdx Et en changeant de variable ( t=ex) dans la première intégrale, on trouve que : Hn1=0exenx1exdx D'où en sommant les deux intégrales convergentes: Hn1ln(n)=0(exenx)ϕ(x)dx L'intégrale 0enxϕ(x)dx existe et d'après un paragraphe précédent, nous savons que ϕ est bornée et que donc l'intégrale 0enxϕ(x)dx vérifie : |0enxϕ(x)dx|0enx|ϕ(x)|dxM0enxdx=Mnn0 Donc que : γ=0exϕ(x)dx

5- Nombres harmoniques

5.1 Une série avec les nombres harmoniques

Nous allons prouver que : n=1Hnn2n=π212 En effet, posons la fonction : f(x)=n=0xn+1n+1k=0n11k+1 Notons tout d'abord que f(0)=0.

Rayon de convergence

Pour |x|<1, la fonction est bien définie, en effet, vérifions sa convergence absolue : Hn|x|n+1n+1+|x|n+1ln(n+1)n+1 Et : |x|n+1ln(n+1)n+1|x|n+1(n+1)n+1=|x|n+1 Par critère de comparaison entre des séries positives, on peut en déduire que la série initiale converge absolument donc converge pour |x|<1.

Calcul exact de la série pour |x|<1

Dans le disque de convergence, la série du dessus est dérivable en tant que série entière (résultats généraux sur les séries entières) et sa dérivée vaut sur ce disque : f(x)=n=0xnHn En revenant aux sommes partielles : n=0mxnk=0n1k On peut effectuer une intervertion sur un domaine triangulaire : n=0mxnk=0n11k+1=k=0m1k+1n=k+1mxk En repassant à la limite m, on obtient alors, puisque chaque série converge bien : f(x)=k=0+1k+1n=k+1+xk La série n=k+1+xk est géométrique et converge sur le disque, elle vaut : n=k+1+xk=11x1xk+11x=xk+11x Ce qui permet de réécrire : f(x)=11xk=0+xk+1k+1 On reconnait alors pour x dans le disque de convergence et x0, le développement en série entière du logarithme : k=0+xk+1k+1=ln(1x)x D'où : 0<x<1,f(x)=ln(1x)(1x)x On obtient alors que sur le disque et pour x0 : f(x)=0xln(1t)tdt Et en posant u=x1x ou x=u1+u, nous obtenons : f(x)=0x1xln(1+u)udu f(x)=0x1x1un=0(u)n+1n+1du Ici ces fonctions remplissent bien les conditions d'interversion série-intégrale: u(u)n+1n+1 est bien continue par morceau, intégrale sur ]0,1[, de plus la série intervertie converge bien comme nous allons le voir, d'où : f(x)=n=01n+1(1)n0x1xundu f(x)=n=0(x1x)n+1(n+1)2(1)n Et finalement : f(12)=n=0(1)n(n+1)2=π212 (Voir article sur la fonction zeta pour le calcul détaillé de cette dernière série).

5.2 Une autre représentation des nombres harmoniques

D'après la formule qu'on avait vu plus haut et par changement de variable x=1u : Hn=011xn1xdx=011(1u)nudu En appliquant la formule du binôme de Newton : Hn=01k=1n(nk)(1)kuk1du Hn=k=1n(nk)(1)k01uk1du Hn=k=1n(nk)(1)k+1k